story time
Elle aurait pu naître n'importe où. Dans un taudis, dans une maison d'artiste, dans un bidonville ou bien dans le fin fond des bois dans un chalet de hippie. Mais à la place, elle est née ici, dans une villa immense, dans une famille de gène pur, dans une prison dorée, mise au monde avec une cuillère en argent dans la bouche.
Une grande famille qui assimilait ouverture d'esprit à fracture du crâne, et qui voyait les personnes non porteuses du gène comme des personnes qui ne devaient pas se mêler à eux. Une famille conservatrice étriquée. Qui a faillit la rendre ainsi définitivement.
C'est donc dans ce milieu-même qu'elle a grandit, et ce en compagnie d'un jeune homme de son âge, Abel. La seule personne en dehors de sa famille que ses parents acceptaient qu'elle côtoie. Pour cause ceci dit, car ce dernier faisait partie d'une famille associée à la sienne. A cause ou grâce à ses parents, elle a toujours vécu avec lui, plus ou moins proche, plus ou moins liés. Elle a toujours remarqué que quelque chose clochait chez lui, sans jamais savoir quoi, sans jamais s'en inquiéter. C'était Abel, elle n'y a jamais réfléchit. Mais a clairement toujours prit sa défense, à l'école ou dehors. Ce que ses parents n'ont jamais apprécié. En salissant ses mains pour blanchir la réputation de son ami, elle souillait celle de sa famille. Elle a alors connu des punitions aussi arriérées que les idéaux de son entourage familial qui l'ont obligé à se ranger.
Mais pas à dévier sa motivation. Elle est simplement devenue plus discrète dans sa façon de défendre son ami, petit à petit, doucement, en regrettant parfois son choix, en détestant souvent Abel d'être dans sa vie, en haïssant cette armoire dans laquelle elle ne voulait désormais plus passer la moindre seconde.
Mais jamais elle n'a cessé d'être là pour lui. Faire ce que ses parents étaient incapable de faire. Faire la seule chose qu'elle était capable de faire par ailleurs.
Même si elle avait d'excellentes notes en cours, qu'elle excellait dans toutes les activités qu'elle faisait, la brune agissait ainsi uniquement pour ses parents, pour qu'on ne la fasse pas chier, avec l'espoir qu'on finisse par lui laisser vivre sa vie. Elle s'est renfermée sur elle-même, a tenté en même temps d'attirer l'attention de ses parents, devenir la fille qu'ils ont voulu avoir. Elle a suivit leurs idéaux, leur élitisme, a prit leur attitude. L'image qu'elle a finit par se donner la rendue presque appréciée par sa famille, mais dénigrée par une bonne partie des personnes de son école, enviée par l'autre. Une image dure à porter, trop lourde pour ses épaules d'adolescente.
A force de tout contenir, d'imploser à l'intérieur d'elle-même, de porter quelque chose qui ne lui appartenait pas, elle a finit par craquer. Un regard, une remarque de trop. Elle a voulu se défendre avec ses mots, le groupe l'a attaquée avec les mains. Connerie de l'adolescence oblige, pour la « remettre à sa place » ils l'ont enfermée, dans un placard de l'école. La promiscuité, la panique, et la fermeture de l'école incluant l'absence de personnel l'ont fait perdre le contrôle total d'elle-même. Les coups de poings qu'elle donnait contre la porte et les murs se sont transformés en griffures de serres contre le bois, et battement d'ailes désespérés contre les parois. Tout cela malgré elle, sans qu'elle ne s'en rende réellement compte, trop occupée à chercher à s'en aller.
Ce soir-là, c'est Abel qui l'a retrouvée, avant ses parents. Car c'était le seul à la connaître réellement, le seul à savoir où chercher.
Ce soir-là, elle a découvert son égo.
Ce soir-là, elle a su qui elle était réellement en fond.
Ce soir-là, elle a comprit qui était vraiment cher à ses yeux.
Ce soir-là, elle a rompu sa prison mentale que ses parents l'avaient forcé à construire.
Ce soir-là, elle a choisit de tracer sa propre route.
Suite à cet incident, de nombreuses remarques l'ont suivies en cours, entraînant ainsi une nouvelle bagarre, où Sheena avait mis de côté son image de petite fille bien éduquée.
Ce qui fut décisif pour ses parents.
Ils lui donnèrent son ultime punition, pour la contraindre à cesser son comportement.
Ils décidèrent de la mettre en internat, celui qui accueillait les adolescents porteurs du gène T. L'académie Saint François.
Au début, par esprit de contradiction, et par réticence à l'idée de quitter ces habitudes, elle prit la nouvelle très mal, et ne l'accepta. Elle rentra pleinement en conflit avec sa famille.
Jusqu'à se rendre compte dès sa première semaine que pour la première fois, elle prenait sa première bouffée d'air. Pour la première fois, elle avait ce qu'elle désirait réellement : être libre. Voler de ces propres ailes.
Abel la rejoignit très peu de temps après, ce dernier ayant fait pression sur ces parents pour rester avec la brune. L'un ne pouvait pas vivre sans l'autre.
Par la suite, ce qui se passa à l'internat restera à l'internat, elle avait ses petits secrets, y a connu ses premiers amours, s'est découverte, a crée son groupe d'amis, a trouvé sa place parmi cette montagne d'élèves, s'est familiarisée avec son égo, a eu ses premières véritables expériences, soirées…
Mais tout était vraiment trop beau pour être vrai. Parce que même si l'académie était suffisante pour oublier sa situation avec ses parents, elle ne l'était pas pour la dernière chose qu'elle a entendu d'eux, dans leur dos, en surprenant une discussion. Grande famille, connue et reconnue, de même que celle d'Abel. Ce qu'elle a entendu ce jour-là venant de la bouche de ses géniteurs, étaient digne d'une série médiévale, de l'ancien temps. Elle ne l'aurait jamais cru, pas à cette époque. Non.
Jamais elle n'aurait cru que ses parents comptaient lier les deux familles.
Et qu'elle et Abel allaient faire office de lien.
Depuis, plus que tout elle cherche à oublier, chercher des alternatives pour empêcher cela sans que cela retombe sur elle ou son ami. Le tout en cherchant les mots pour lui annoncer.